vendredi 2 mars 2007

Débat public non respecté : le TA de Bordeaux annule une décision ministérielle

A la surprise même des opposants au projet, le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé le 1er mars la décision du Ministère de l’Equipement retenant le principe de la réalisation d’un grand contournement autoroutier de Bordeaux, pour cause de non-respect de la procédure de débat public[1].

Comme pour tout projet de cette ampleur, la Commission nationale du Débat public a été saisie en janvier 2003 et a décidé d’organiser un débat dont l’animation a été confiée à une commission particulière. Ce débat a eu lieu du 2 octobre 2003 au 15 janvier 2004.

Or, le 18 décembre 2003 s’est réuni le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT), qui a entre autres défini une ambitieuse politique de transports pour les 30 années à venir. A cette occasion, « le Gouvernement souligne l’importance du débat public en cours sur les conditions de circulation offertes au trafic de transit au droit de l’agglomération bordelaise, et souhaite qu’il permette un avancement rapide des études du contournement autoroutier de Bordeaux[2]. »

Dès lors quel crédit accorder au débat public en cours ? Celui-ci consiste en une discussion sur l’opportunité ou non de réaliser le projet, mais avant même que le débat soit clos, le gouvernement fait déjà connaître sa décision ! Souvent perçue comme un moyen de « noyer le poisson », la procédure de débat public voyait alors sa crédibilité gravement menacée.

La Commission particulière du débat public a alors pris la décision unanime de démissionner. Néanmoins, un compte-rendu du débat a été rédigé par le président de la CPDP. Dans son bilan, le président de la CNDP rappelle en effet que « le débat public a vraiment eu lieu » et que « ses apports se révèlent d’une richesse et d’un intérêt remarquables[3] ».

Comme la procédure le prévoit, le Ministère de l’Equipement a rendu sa décision à la suite du débat public (le 14 mai 2004[4]). Sans surprise, celle-ci s’est avérée favorable à la poursuite des études relatives au projet. Sans surprise également, les associations d’opposants au projet ont attaqué cette décision au motif que l’engagement pris par le gouvernement avant le débat public a vidé ce dernier de sa substance.

La LGV PACA aussi ?

Le TA de Bordeaux vient donc de donner raison aux opposants contre le Ministère de l’Equipement, mais désavouant également dans une certaine mesure la CNDP elle-même. Si celle-ci a rappelé les dangers de l’impact de telles annonces gouvernementales sur la crédibilité de la procédure, elle n’a pas pour autant considéré que les décisions du CIADT étaient de nature à vicier le débat public en cours sur le projet. A la différence de la démission spectaculaire de la Commission particulière, la CNDP s’est toujours montrée particulièrement diplomate dans ses commentaires.

Il n’en demeure pas moins qu’une telle jurisprudence est à même de renforcer le poids du débat public, en faisant (au moins théoriquement) de ces quatre mois un « temps protégé » servant véritablement à préparer une décision, et non une simple formalité servant uniquement à ralentir des décisions déjà établies.

A noter qu’un incident semblable s’est produit lors du débat public sur la LGV PACA. Christian Estrosi, Président du Conseil général des Alpes-Maritimes mais également Ministre de l’Aménagement du territoire, a fait connaître ses préférences peu avant la fin du débat, suscitant la colère des opposants au projet. La décision du TA de Bordeaux donnera-t-elles des idées aux associations anti-LGV PACA ? Sans doute, même si dans ce dernier cas l’atteinte à la sérénité du débat est plus morale que formelle : compte tenu de ses divers mandats, M. Estrosi a exprimé une opinion personnelle qui ne représente pas une décision ministérielle.

Si la jurisprudence peut contribuer protéger le débat public, seule la bonne foi des différents maîtres d’ouvrage pourra faire de cette procédure un véritable outil d’amélioration commune des décisions en matière de grands projets.


*****
[1] http://thomas.lugagne.free.fr/JugementTA_CAB.pdf
[2] CIADT du 18/12/2003, communiqué de presse (http://www.diact.gouv.fr/datar_site/datar_framedef.nsf/webmaster/ciadt_framedef_vf?OpenDocument)
[3] Bilan du débat public par Yves Mansillon, président de la CNDP, 16/02/04 (http://www.contournement-bordeaux.aquitaine.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/Bilan_debat_public-president_CNDP_cle0ca6ba.pdf)
[4] http://www.contournement-bordeaux.aquitaine.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/CABx-DM_140504_JO_5-06-04__cle1e4b82.pdf

2 commentaires:

Thomas Lugagne a dit…

effectivement, la jurisprudence du TA de bordeaux va avoir des répercutions importantes partout en France.
Reste à savoir si le ministre des transports perben va faire appel de cette décision ou pas : s'il le fait, la projet de contournement dévastateur et inutile de contournement de Bordeaux sera repoussé à des années, s'il ne fait rien, il acte de cette jurisprudence ... et met un b..... incroyable dans toutes les procédures en cours au risque des les voir annulées pour vice de procédure !!

Romain a dit…

A noter que le ministre fera appel de la décision...

http://bordeaux-incontournable.blogspot.com/2007/03/dcision-du-tribunal-administratif-le.html