vendredi 22 décembre 2006

Désirs d'avenir... participatif ?

Ce billet a d'abord été publié sur le formu des étudiants en génie de l'environnement (www.iupadege.com). Au cours de leurs travaux universitaires ou associatifs, les étudiants de l'IUP environnement de Marseille s'interdisent de considérer qu'une action quelconque puisse être efficace sans tenir compte des opinions, des sentiments, des cultures et des modes de vie des personnes concernées par le projet.

Au niveau politique, j'imagine donc que la notion de "démocratie participative" trouve un écho certain auprès de plusieurs d'entre nous, rompant avec la vision bien ancrée en France d'une décision prise exclusivement par les élus (légitimité du suffrage universel) et l'administration ("légitimité technique"). Ceci étant posé et j'imagine partagé par beaucoup de monde, il me semble que comme nombre d'autres idées louables la démocratie participative est menacée par un traitement médiatique perverti.

Je m'interroge plus précisément sur le site "Désirs d'avenir", auquel Ségolène Royal assigne un rôle moteur dans une campagne électorale qu'elle veut hautement participative. Sur ce site, les citoyens sont invités à des "débats participatifs" (des "forums participatifs" sont également organisés sur le terrain). Mme Royal en dégage des textes intitulés "ce que je retiens", définissant les options retenues à partir des différentes opinions évoquées dans les débats.

Ecoute véritable ou pur produit marketing ?

L'usage de cet outil est indiscutablement neuf dans une campagne présidentielle, mais la traditionnelle méfiance envers la classe politique française impose une question légitime : "Désirs d'avenir : écoute véritable ou pur produit marketing" ?

Difficile d'y répondre autrement qu'en se fiant à nos convictions partisanes ou nos perceptions de la vie politique française... en tout cas en ce qui me concerne. En effet, je ne dispose guère d'arguments pour entrer utilement dans ce débat, et c'est précisément ce qui me gène le plus dans "Désirs d'avenir". Le site donne tellement l'impression d'accorder la place principale au "citoyen-profane" qu'il laisse libre cours aux débats sans interférence ou préalable de la part du parti socialiste, de sa candidate ou de personnes réputées "expertes".

Ne peut-on y voir là une contradiction ? En effet, nous ne nous trouvons pas dans une démarche journalistique ou sociologique visant à dresser un état de l'opinion, mais bien dans une démarche participative destinée à construire ensemble un projet électoral. Or, qui se lance dans une démarche participative s'impose trois objectifs : - représentativité (dans le cas présent, on espèrera au moins toucher les militants et sympathisants de gauche dans leur diversité) - qualité de l'argumentation ; - influence des débats sur les décisions prises.

Où sont les experts ?

Si représentativité et influence ne me semblent pas poser de problème dans le cas présent (pur a priori, j'en conviens), je suis plus circonspect quant à la qualité de l'argumentation. Par définition, on recherche l'avis de profanes, pas celui d'experts. Mais pour être utile, cet avis doit être éclairé, c'est-à-dire qu'en préalable à tout débat les citoyens doivent bénéficier d'une information solide et dispensée dans un langage adapté. En l'absence de connaissances partagées sur les sujets traités, la démarche participative se rapproche dangeureusement d'une conversation de café, et le politicien qui déclararait s'y référer frôlerait donc l'écueil de la démagogie.

Pour être pleinement convaicu par Désirs d'avenir (et par sa candidate, là est quand même l'essentiel), j'aurais aimé que les premières pages du site incitent les contributeurs à s'informer avant de donner leur opinion. Certes, il est très intéressant voire impératif de recueillir initialement des points de vues "non pollués" par une vision technique ou partisane extérieure. Mais dans un deuxième temps, c'est-à-dire au moment où l'on délaisse le constat pour construire ensemble un projet, il me semble indispensable que les contributeurs puissent disposer de références partagées.

Dans la conception que Ségolène Royal exprime de la démocratie participative, j'ai l'impression que l'équipe de communication a volontairement gommé cette importance de l'information et de la qualité des débats pour privilégier l'idée du "citoyen-expert" capable d'influencer très fortement les politiques. Rien à redire sur ce qui est écrit, mais les nombreux non-dits conduisent à un message flattant l'idée très démagogique du citoyen plus compétent que les habituels "politiciens et les technocrates". J'aurais aimé que la démarche participative ne consiste pas en un usage immodéré de cet adjectif, en instaurant implicitement une opposition entre citoyens et dirigeants, mais qu'elle apporte un message nuancé, invitant à un réel dialogue argumenté entre citoyens et dirigeants, chacun disposant d'une légitimité et d'une expérience particulières, mais de valeur équivalente.

J'insisterai en conclusion sur le fait que les critiques exprimées dans ce billet ne constituent pas un rejet de "Désirs d'avenir". Au contraire, si j'ai choisi de commenter l'outil mis en place par la candidate socialiste (outre par une proximité de vue sur certains points, avouons-le), c'est bien parce que ces adversaires s'expriment très peu sur la notion de participation. Surtout, ce sujet est sur le forum de l'ADEGE pour ouvrir le débat entre Iupiens, forcément concernés; qui souhaitons-le l'enrichiront d'informations et d'opinions différentes. Participons !

Le site : www.desirsdavenir.org
La démocratie participative vue par Ségolène Royal : sur le même site